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  http://www.expressions-libres.org          Actualisée le ::27/06/03

                                                              



  Thème des Articles :

- Utopie ( entretien avec Christophe Conot)

- Communisme/Totalitarisme ( Compte-rendu de lecture)

- Heidegger & Husserl ( Liens)

- Kant & la paix perpétuelle ( Cours prépa & article de Revue)

- Mathématiques & idéologies ( Bibliographie)

- Qu'est-ce que la Philosophie ?

 Deleuze /Guattari  -    extrait de A. Gramsci 

- Préface emblématique ( Essai d'autocritique de F.Nietzsche)   

- Ressources électroniques 

-Sciences :

- Séminaires ( Collège International de Philosophie)

- Le problème de la Vérité:  Vérité  & Mensonge au sens extra-moral ( texte de Nietzsche 1883)

- Eco-sophie : Félix Guattari  ( entretiens avec, explication de l'éco-sophie, site complet sur Guattari)

- Ecologie politique :Jean Zin.

- Mémoire:Passé,présent,avenir ( histoire et philosophie du quatrième pouvoir)

-Karl Korsh ( liens,textes,articles,oeuvre à télécharger "marxisme et Philosophie")

 


              Utopie

-Ressources >Numéro 8 de la Revue Expressions-libres 

-Entretien avec Christophe Conot ( 1)

 

N.B:   Bonjour Christophe Conot suite au débat sur Philoliste(2),je souhaitais que vous développiez le concept d'utopie qui selon vous serait  une totalité...De ce fait,toute la Fiction littéraire peut-elle être considérée comme  "utopie" ?

 

 C.C:la fiction littéraire est *systématiquement* (à tous les sens du terme) utopique, à partir du
moment où ce qu'elle propose est une mise en relation d'un
*espace-temps* réel et fictif (le livre, le corps du conteur, et ce
qu'il exprime - lequel est espace, lequel est temps, peu importe ici,
ils sont entremêlés) en relation avec un espace-temps réel et fictif
(moi, je, lecteur, auditeur, spectateur-?-, et ce que je reçois - même
mélange), et ces deux fixités extérieures et extérieures l'une à
l'autre entrent en relation au sein d'un troisième *espace-temps*
immédiat et médiateur, proprement fictif à son tour, mais qui se
réalise grâce à la conjonction des deux premiers, universel et
particulier celui-là (c'est omnis et totus en même temps, c'est für
jeder und für alle - lequel est espace, lequel est temps, etc...) - et
ce 'troisième' qui vient redoubler la fiction du 'texte' et confère à
toute lecture, à toute audition, à l'extrême, un caractère fictif est
le *spectacle* imaginaire (il faut être *voyant* aussi pour
lire/entendre alors), qui se déploie à la lecture/audition - je ne sais
pas pour ce qui est du théâtre, de la danse, de la peinture ou du
cinéma, mais il me semble que cela y fonctionne aussi - cela fonctionne
d'un point de vue de l'Art.

Cette rencontre n'est jamais complète, jamais satisfaisante, jamais
suffisante, mais chacun, dans une perspective d'attente de l'Autre,
fait (devrait faire) de son mieux pour l'accomplir.

Et le réel en est forcément transformé. C'est avant et après réalisés
(actualisés?) Maintenant, c'est l'Un et l'Autre réalisés (idem?) Ici.

( un cours pourrait/devrait fonctionner de la même manière non ?)


L'utopie c'est alors vouloir atteindre pleinement à l'Autre (de Non à
Oui, d'Absent à Présent, de 0 à 1), et ce n'est jamais possible
complètement, et c'est toujours en cours, et c'est toujours une fiction
que cette démarche, reflet en somme de la démarche de l'aller vers
l'Autre dans le réel (dans l'espace de la Cité et dans le temps de Ce
qui sera (Ceux qui seront), les deux mêlés, à partir de ce qui a été
construit - de ceux qui ont été construits) - ce qu'est la politique
d'une société en vie : non pas itération du même, mais mouvement
constant et répétitif vers le Mieux, l'Autre (et le demain et le
concitoyen), celui qui n'est pas là présent en même temps et au même
lieu que moi (Ici et Maintenant il n'y a que moi); et pourtant l'Autre
est là, je suis libre de l'imaginer (parce que je le dois/ donc je le
dois), et l'utopie se trouve re-activée, dès que son *accomplissement*
est approché.

Il convient de considérer cela avec l'idée que l'utopie peut-être une
anti-utopie.

C'est peut-être pourquoi la fiction littéraire a été très attaquée
depuis l'après-guerre (comme par hasard) - l'après première j'entends.
Et la trop célèbre *fin de l'Histoire* plus récente... Même structure :
l'autre serait mort, croit-on... Quand il revient c'est en violence.

Malgré tout, le diable utopique chassé, il est revenu au galop, dans le
policier, et, surtout, dans la Sciences fiction - classement par genres destiné à
les décrédibiliser aussi, genres très anglo-saxon, ce qui n'est pas
hasardeux non plus (l'impérialisme suscite son contre-poison, l'utopie
littéraire - ou, hélas, quand la fiction n'a plus droit de Cité, c'est
la réalité qui 'dépasse la fiction' : 11/09.)



Rabelais c'est évident (Thélème oui, mais aussi inventer le langage
contre les sorbonnards de toutes sortes), mais Corneille ('défendre le
comédien' dans l'Illusion Comique, contre leur excommunication),
Molière ( attaquer les tartuffes contre leur pouvoir ahurissant - au
sens premier) ou Flaubert (faire revivre Carthage,ou de "1840 au coup
d'Etat", d'un seul coup imaginaire, contre une société haïe de
bourgeois matérialistes et sombres, qui seront un tant soit peu les
lecteurs malgré tout, d'où le procès d'ailleurs), Rimbaud bien sûr ("La
vraie vie est ailleurs", entre mille, ou presque) et Zola (montrer
l'Autre, donner existence à toute - totus, omnis - la société aux yeux
de tous - totus, omnis... et de manière scientifique qui plus est,
contre l'abêtissement et le Capital, déjà )Beckett tout à fait
(anti-utopie de Fin de Partie, et utopie des mots personnels et
perpétuels, contre une époque ahurie de plastiques, de frigidaires et
de postes de télévision), ainsi que Céline (rien que le style, pour
rien que l'émotion), ce sont des (anti)-utopies.

Nietzsche aussi non ? Et Kant (fonder une paix perpétuelle ! ou le
jugement esthétique...) ?

L'utopie c'est essayer de com-prendre le monde, et essayer de l'offrir
à tous... C'est une prétention absolue, et à ce titre c'est sans
intérêt... enfin quelque chose sans intérêt...
C'est en somme ce que fait n'importe quelle expression publique, avec
la seule réserve que c'est la dimension artistique qui le mieux (la
seule?) permet d'aller vers le plus grand nombre, sans courir le risque
de devenir un *discours* pour la 'masse' (depuis une tribune par
exemple).

La connaissance et les savoirs sont parallèlement des moyens de mise en
oeuvre pratique de l'utopie ainsi activée (voir par exemple l'idée
reprise aux Grecs d'une reddition des comptes - mais cela même vient de
l'utopie première : faire mieux), et bien entendu les moyens d'accéder
à l'utopie littéraire... Encore une fois l'un et l'autre emmêlés,
s'entraînant à la manière d'une boule de neige.


C'est aussi en cela que toute oeuvre est morale, en plus d'être
esthétique, que toute loi l'est aussi, en plus d'être politique. Ce que
d'aucuns ont plus que tendance à oublier (dans tous les camps)...

Ou bien encore : l'utopie est la morale de l'histoire (Histoire), en
somme, de tout (tous) ce (ceux) qui reste (restent).

Le problème, qui reste entier, est : souhaite-t-on cela ? (à savoir
chercher l'achevé sans jamais y parvenir; rester dans l'imperfection,
dans un espace-temps en torsions perpétuelles); ou préfère-t-on
l'apothéose (le héros parfait finit chez les dieux, pour toujours et à
jamais, dans un espace-temps complété.) ?
Parce que l'utopie littéraire c'est aussi accepter de sortir du mythe
(celui du *sauveur* tout particulièrement, icône de la *masse*),
prendre le risque et la responsabilité de l'aventure, pour soi, pour
tous, entre soi, entre tous. (lire/relire la destruction du mythe
opérée dans *Le Satyre*, "La Légende Des Siècles", V. Hugo - oeuvre
faisant longuement état d'un Léviathan, soit dit en passant, et oeuvre
qui renverse la proposition du frontispice de l'édition originale de
Hobbes : c'est l'Un qui 'fait' Tous, l'Oeuvre (très atomisée tout de
même, elle part du 'réel' historique, des mythes...) qui 'crée/libère'
chaque lecteur, du moins dans le projet du recueil, et cela rejoint
l'utopie littéraire : chaque fiction a vocation à disparaître parce
(par ce) qu'elle libère chez tous/chacun)...

Le Livre mallarméen ou la Cité idéale sont des fictions, des utopies,
des constructions mentales, pas des réalisations, ni des propositions
de réalisations - à moins que Demain Les Chiens... anti-utopie qui se
termine ainsi : "Mieux vaut perdre un monde que de revenir au
meurtre."... l'humain d'aujourd'hui n'est pas l'état achevé...


La fiction n'est pas plus *totalitaire* que le philosophie, elle
ne cautionne pas non plus de crimes - à moins de la dé-naturer, de la
faire passer pour un réel 'possible', ce qu'elle ne saurait être -
c'est par la médiation d'êtres (lieux fictifs ET réels, inachevés -
heureusement) que tout cela a lieu : ce sont eux (nous) les
responsables.

N.B:Que pensez-vous de la préface de Claude Mazauric dans « l'Utopie » de Thomas More édité chez Librio qui s’appuie sur le principe espérance de Ernst Bloch ?

 

C.C:Je me suis essentiellement placé dans la perspective d'une littérature
qui ressortit à la fiction. A partir du moment où vous acceptez
l'hypothèse qu'un roman de Zola entre bien dans ce cadre (le mot est
précis - Les premiers films des frères Lumières - contemporains - sont,
de par le cadre, des fictions, et 'La sortie des usines Lumières' en
est même purement une : il y a mise en scène, si on regarde l'oeuvre de
près...), il entre dans le champ *utopique* que j'ai essayé de définir.


La préface que vous citez se place du point de vue de la réception du
texte, postulant, ce qui est à mon sens une 'faille' dans de nombreuses
réflexions sur la littérature, que le texte serait lu de manière
univoque par une sorte d'instance réceptrice universelle.
Si je parlai à un autre propos d'incidence de l'instance énonciatrice,
il y a aussi incidence de l'instance réceptrice : il est évident que
personne ne lit plus Zola tel qu'il a été lu alors, que personne n'a lu
le même Zola...
Sauf que, bien entendu. Zola est toujours lu... et que nous pouvons en
parler... premier retour à une certaine réalité, d'ailleurs.

Ce que je nomme utopie, dans ce cadre, est la relation qui se noue
entre auteur et lecteur , ou plus exactement, que
auteur et lecteur puissent envisager *partager* une fiction - et, parce
que c'est une fiction à portée esthétique (là encore j'abrège), cela
fonctionne, sans les dérives de 'masse' que l'on peut aisément imaginer !


Il n'en reste pas moins que c'est une utopie à chaque fois renouvelée,
à chaque livre, à chaque lecteur, à chaque lecture même (je suis un
lecteur multiple, d'une heure l'autre même). Et que souvent, pour de
multiples raisons, dont le manque d'instruction n'est pas la moindre,
cela ne fonctionne pas.

Et qu'en somme l'on pourrait dire que l'utopie est une fiction, n'a pas
vocation à être réalisée !

Mais ce n'est pas holiste, en ce sens que c'est aussi atomiste...
Un Paradoxe plutôt, que réussit merveilleusement Le Satyre
de Hugo, qui est une figure empilant les trois strates : auteur, texte
(fiction, disons chant), et lecteur.
J'ajoute cela, même ordre d 'idée; Zola, 'Le roman expérimental' :
"(...) montrer l'homme vivant dans le milieu social qu'il a produit
lui-même, qu'il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à
son tour une transformation continue."

Et tout Zola, par ce (parce) qu'il montre ce qui n'avait pas encore
été montré en littérature 'noble' - en gros, est utopique : le
naturalisme est à présent défini (H. Mitterand) comme un réalisme
poussé, extrême, c'est-à-dire que l'on se rattache à Balzac, Stendhal,
etc... On peut ajouter le Aragon du cycle dont font partie 'Aurélien',
'Les Voyageurs...',etc

Cela signifie que l'on est placé dans une
analyse, une vision par strates, du monde, et qu'est à l'oeuvre une
mise à nu des structures sociales : la portée utopique est apurée au
plus : les 'bienfaits' sont exposés, afin d'être conservés, de même que
les 'travers' montrés ne le sont qu'en vue d'être dénoncés, et afin que
la réalité (politique avant tout) y remédie : 'Le Roman expérimental'
encore : "Nous dégageons les déterminismes des phénomènes humains et
sociaux pour qu'on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes".

'Le roman expérimental' toujours - 1880 : "(...) nous travaillons avec
tout le siècle à la grande oeuvre qui est la conquête de la nature, la
puissance de l'homme décuplée."

Ce qui n'empêche d'ailleurs pas ses propres romans de remettre ce
modèle en cause - l'utopie de l'intention de l'auteur est dépassée par
la puissance utopique du chant, celui qui dévoile le monde, malgré tout
et tous. N'est-il pas utopique de prétendre à cela, alors que tout
auteur pourtant y prétend.

Un dernier mot, de Maupassant (réaliste 'extrême' lui aussi ) : J'en
conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des
Illusionnistes... Préface à Pierre et Jean, 1887.

Si je me rappelle mes cours d'esthétique, Adorno, s'appuyant sur
Kant, a défini l'avant-garde comme un pas trop loin dans la part
d'imagination que peut accepter l'horizon d'attente du 'récepteur'
(c'est sans doute assez mal reformulé !); il convient d'envisager TOUS
les grands textes sous cet angle (MOLIERE a été d'avant-garde, sans nul
doute, travaillant déjà sur des personnages plutôt que sur des
caractères,voire  Don Juan par exemple, trop complexe pour les canons de
l'époque, Zola aussi, bien entendu... d'où scandales, incompréhensions,
Avec Rimbaud on a l'exemple encore plus frappant, aucun écho ou
presque de son vivant...), et de saisir que tout auteur veut porter son
chant un pas plus loin que tout ce qui a déjà été chanté. N'est-ce pas
utopique d'aller au- delà, premièrement, et de vouloir encore partager
cela, deuxièmement ? C'est une manière de faire avancer le monde non ?

  1. Christophe Conot est professeur de lettres et passionné par l’Utopie/contact:cvat@wanadoo.fr

  2. Philoliste est une liste de professeurs de Philosophie accueillant des invités...

  3. Claude Mazauric est le préfacier de L’Utopie de Thomas More édité dans la coll.Librio,2001;il développe beaucoup le principe Espérance de Ernst Bloch dans la préface du livre.

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Eco-sophie/Ecologie politique

 

 

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 le Problème de la Vérité:

 

 


 

     Communisme/Totalitarisme :

 Note de lecture à propos du livre de Rachel Mazuy " croire plutôt que voir ? voyages en Russie soviétique 1919 - 1939 ,odile Jacob,2002, article redigé par Nadia .Burgrave  dans le N° 4 d'Expressions Libres sept 2002 et la Revue Respublica en novembre 2002.

 

A partir d’Archives publiques françaises ou étrangères  ( tout particulièrement celles de Moscou) ou de sources privées (carnets de voyage, journaux, lettres, cartes postales ou photographies et entretiens)  Rachel Mazuy raconte l’histoire de ces voyageurs, célèbres ou obscurs, qui, entre 1919 et 1939 ont accompli des séjours en Russie soviétique. Ce sont les voyageurs eux-mêmes qui ont intéressé l’auteur - militants  communistes, ouvriers ou écrivains, journalistes, intellectuels sympathisants - plus que le récit de voyage ou l’image de la Russie qu’ils rapportent.

 L’effondrement des Démocraties populaires et de l’URSS  en 1991 ont constitué une occasion de renouveler en profondeur  l’historiographie sur le communisme grâce aux progrès de la documentation ( Ouverture des archives soviétiques, de l’Internationale communiste et des partis communistes). Si certains ouvrages ( qu’on songe au Livre noir du communisme sous la direction de Stéphane Courtois) ont suscité des polémiques par l’amalgame entre communisme et nazisme et le sensationnalisme de ce qui a été présenté comme un best-seller, la démarche de Rachel Mazuy  est éloignée des effets de modes  idéologiques  et s’inscrit dans une réflexion plus approfondie à la suite de celle de Jacques Toussaint-Desanti, l’une des figures marquantes de l’intelligentsia du P.C.F qui analysait, en 1982, dans son autobiographie intellectuelle le mécanisme de « l’aveuglement qui fait plier la raison sous la croyance « et de l’historien Claude Pennetier qui dans « le siècle des Communismes « grâce à une solide approche scientifique et historique rendait compte de la nature  du phénomène communiste dans le monde ,de la spécificité de chaque communisme et des mécanismes de coercition dans l’organisation des partis de masse qui ont intégré les classes populaires .

Qui est l’auteur de ce livre ? Quel parcours l’a mené jusqu’à l’ouvrage dont nous parlons ici?  L’historienne Rachel Mazuy, agrégée et docteur en Histoire chargée de conférence à l’IEP et professeur au lycée Honoré de Balzac n’en est pas à son coup d’essai. Elle fut impliquée dans la rédaction de l’ouvrage de référence sur le mouvement ouvrier en France, le « Maitron » ; En effet, elle a participé à cette œuvre unique en son genre comme en témoignait à l’époque de sa parution Michelle Perrot, qui y voyait  un dictionnaire en forme d’« hommage aux militants, particulièrement aux obscurs et aux sans grades …et dont la trace risque de disparaître.. . Par ailleurs, sa thèse en histoire dirigée par JP Azema  s’est appuyée sur les récits de voyages parus dans la presse entre 1917 et 1944 : Cachin, Frossart, Barbusse, Aragon … dans «  Partir en Russie soviétique. Voyages, séjours et missions des Français.. », des articles parus dans Relations Internationales et d’autres revues, puis une contribution aux côtés de Michel Dreyfus, Claude Pennetier et Nathalie Viet Paul dans Les voyageurs en URSS entre 1917 et 1944 ( aux éditions de L’Atelier, en 1996. Tous ces travaux font de Rachel Mazuy une spécialiste du sujet.

Ainsi, nous retrouvons au fil des 300 pages des noms connus comme ceux d’Albert Londres, de Louise Weiss, d’André Gide, d’André Malraux, ou de ceux de la « Génération Thorez », Gabriel Péri, Charles Tillon, cadres du PCF. On retrouve aussi Madeleine Pelletier, militante féministe venu voir par elle-même dès 1921 la réalisation de l’égalité des sexes là où brille la grande lueur à l’Est. Et même la Duchesse Clermont-Tonnerre !

Aventureux, longs et périlleux les voyages en Russie sont très vite organisés, encadrés et contrôles par les autorités soviétiques, un tourisme idéologique qui n’a  rien à envier aux circuits des voyagistes actuels ( Intourist, VOKS, l’union des écrivains, le Komintern, les Amis de l’Union  soviétique, l’Ecole léniniste internationale)et qui préfigurerait pour l’auteur le tourisme de masse de l’après seconde guerre. Les Voyages au « pays des Soviets » sont alors intégrés à des mécanismes de propagande bien huilés, véritables campagnes de promotion de la « vérité ouvrière »    qui doit être reprise au retour et propagée comme les Evangiles, ces récits écrits ou  oralisés  fondés sur la preuve « visuelle » et qui doit démontrer la supériorité de cette vérité sur la  « contre-vérité bourgeoise. Moscou à l’heure de Staline devient de fait, pour l’auteur la matrice d’une culture politique pour les militants français comme pour l’ensemble de l’élite culturelle ou politique ; mais aussi : un lieu de pèlerinage, de voyage initiatique qui influence l’itinéraire individuel de chacun, politique et social ( de la promotion à la sanction pour les militants du parti, à la conversion pour les sympathisants ou l’apostasie  comme André Gide, Victor Serge et d’autres militants critiques..)

Croire plutôt que voir ? Est un livre qui nous plonge au-delà des anecdotes de ces vies de militants exhumées des Archives dans le système, dans le cœur de la religiosité idéologique : que les femmes russes travaillent la nuit, que la famine emporte l’Ukraine, que certains soient internés dans des camps de travaux forcés, que les procès politiques éliminent les dissidents , que le culte de la personnalité idolâtre Staline,que les Trotskistes soient pourchassés tout cela est effacé par le credo  de l’orthodoxie du «  Parti », allant jusqu’à gommer les quelques protestations et les doutes, exprimées ou pas, des communistes français. Ce dispositif sur-légitimise une rationalité politique qui à plus à voir avec la « foi » qu’avec l’esprit critique  et la réalité perçue, insérant son discours dans une perspective historique depuis la violence révolutionnaire et l’expérience de la Guerre, qui justifient la politique soviétique de la répression, des crimes et de la terreur sous Lénine et sous Staline. Kant avait su distinguer ce phénomène : la croyance, telle que l’auteur de la Critique de la raison  pure l’envisageait, différenciée du savoir, ce quelque chose qui n’est  ni  conviction ni  persuasion, est très nettement illustrée, là, dans ce livre. Nul besoin aux soviétiques d’appuyer leur propagande,  les militants bien souvent se font presque «  naturellement » propagandistes à leur retour en France de ce qu’il faut croire et raconter plutôt que de ce qu’ils ont vu aux » pays des Soviets ».Leur aveuglement n’en est que plus symptomatique.

Rachel Mazuy réussit parfaitement son essai d’analogie entre pèlerinage et voyage, entre croyance mystique et croyance politique grâce à un patient travail de documentation et à des analyses judicieuses qui font de cette biographie collective des Français de l’entre deux guerres un livre indispensable à ceux qui voudront comprendre la spécificité de ce XX è siècle. On regrette, cependant, que la fascination exercée par le Communisme( par la force de son messianisme et de son idéal humaniste) n’ait pas été suffisamment abordée.C’est par cette analyse qu’on pourra mieux faire la distinction entre nazisme et communisme et répondre aux « comparistes révisionistes «  comme l’historien Ernst Nolte.

 Par un heureux hasard éditorial, la sortie de Croire plutôt que voir correspond à la réédition et à la révision  par Pierre Bouretz (dans la collection Quarto chez Gallimard) d’une des œuvres les plus fondamentales de la philosophie politique : Les origines du totalitarisme,  d‘Hannah Arendt. Mais est-ce vraiment un hasard ? Ce rapprochement entre ces deux livres n’est-il pas plutôt le fait des questionnements de notre début de siècle comme l’a exprimé Pierre Hassner : Qu’est-ce qui « dans la nature humaine et dans le processus de civilisation a permis les barbaries du Xxème siècle ? Quelle action politique empêcherait « leur retour sous d’autres formes « ?

 

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    HUSSERL  

ressouces web établies pour Fac Philo http://www.univ-lyon3.fr/philo/husserl.htm

en vidéo avec realplayer

The only known video of Edmund Husserl. Husserl is 77 years old and
speaking with his wife, Malvine. The voice is that of Lester E. Embree
The film, shot by James L. Adams, dates from 1936 and is originally silent. Of poor quality.    

http://sweb.uky.edu/~rsand1/Husserl/images/Husserl77.ram



-HEIDEGGER  

ressources web établies par Nadia Burgrave pour Fac Philo

www.univ-lyon3.fr/philo/heidegger.htm

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   Kant   

- Cours de J.Morne : "La paix perpétuelle,une utopie ?" http://pierre.campion2.free.fr/mornejkant.htm

- Article publié dans Expressions-libres sept.2002

La Paix perpetuelle est -elle possible  ? Kant ou la raison irénique  par C.paillard

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Korsh

- Karl Korsh par Paul Mattick ( 1964) http://expressionslibres6.free.fr

- Lire " Marxisme & Philosophie ", 1923,revu  en 1931. (version anglaise):http://www.marxists.org/reference/subject/philosophy/works/ge/korsch.htm

- la crise du marxisme (Texte de 1931)http://www.left-dis.nl/f/marxcris.htm

-l'idéologie marxiste en Russie ( Texte de 1938)http://www.left-dis.nl/f/idkorsch.htm

- The present state of problem of Marx ism & philosophy:an anti-critic( Karl Korsch): http://www.geocities.com/cordobakaf/marxphil.html

-Why Am I a Marxist ? ( Karl Korsh ): http://www.geocities.com/cordobakaf/korschmarx.html

-introduction to the capital ( Karl Korch: http://www.geocities.com/cordobakaf/korschcapitala.html

-Karl Korsch a marxist friend of anarchism ( A.L Giles Peters,1967,1973) : http://www.geocities.com/CapitolHill/Lobby/2379/korsh.htm

- Lettre d'Amadeo Bordiga à Karl Korsh ( 1926):http://www.sinistra.net/lib/upt/prcomi/ropa/ropanrobuf.html#text

- le marxisme  ( état et définition ) Denis Collin:http://dicophilo.free.fr/dicom.htm

-Ecole de Francfort /Dialectiques: http://www.chez.com/patder/biblio.htm

 

-Relire Korsh  ( introduction à" Guerre & Révolution de Karl Korsh " http://abirato.free.fr/

 

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bodo  korsig.jpg (268683 octets) Mathématiques & idéologies:

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Mémoire : Passé,Présent,Avenir.
film soviétique 2.jpg (91537 octets)

Whoever controls the image and informations of the past determines what and how future generation will think; Whoever controls the information and the images of the present determines how those same people will view the past...(George Orwell 1984 )

 

 

 

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Philosophies & Philosophes
 
1.1 Qu'est ce que la Philosophie ?
 
                                  CR de lecture par Roger Pol Droit ( le Monde)
                                  Robert Maggiori dans Libération à propos de l'amitié philosophique Deleuze/Guattari

 

Il faut détruire le préjugé très répandu que la philosophie est quelque chose de très difficile du fait qu'elle est l'activité intellectuelle propre d'une, catégorie déterminée de savants spécialisés ou de philosophes professionnels ayant un système philosophique.  Il faut donc démontrer en tout premier lieu que tous les hommes sont «philosophes», en définissant les limites et les caractères de cette «philosophie spontanée>, propre à c tout le monde >, c'est-à-dire de la philosophie qui est contenue : 1. dans le langage même, qui est un ensemble de notions et de concepts déterminés et non certes exclusivement de mots grammaticalement vides de contenu ; 2. dans le sens commun et le bon sens ; 3. dans la religion populaire et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, opinions, façons de voir et d'agir qui sont ramassées généralement dans ce qu'on appelle le c folklore ».

Une fois démontré que tout le monde est philosophe, chacun à sa manière, il est vrai, et de façon inconsciente - car même dans la manifestation la plus humble d'une quelconque activité intellectuelle, le «langage> par exemple, est contenue une conception du monde déterminée -, on passe au second moment, qui est celui de la critique et de la conscience, c'est-à dire à la question : est-il préférable de « penser » sans en avoir une conscience critique, sans souci d'unité et au gré des circonstances, autrement dit de « participer » à une conception du monde « imposée » mécaniquement par le milieu ambiant ; ce qui revient à dire par un de ces nombreux groupes sociaux dans lesquels tout homme est automatiquement entraîné dès son entrée dans le monde conscient (et qui peut être son village ou sa province, avoir ses racines dans la paroisse et dans l' « activité intellectuelle > du curé ou de l'ancêtre patriarcal dont la « sagesse » fait loi, de la bonne femme qui a hérité de la science des sorcières ou du petit intellectuel aigri dans sa propre sottise et son impuissance à agir) ; ou bien est-il préférable d'élaborer sa propre conception du monde consciemment et suivant une attitude critique et par conséquent, en liaison avec le travail de son propre cerveau, choisir sa propre sphère d'activité, participer activement à la production de l'histoire du monde, être à soi-même son propre guide au lieu d'accepter passivement et de l'extérieur, une empreinte imposée à sa propre personnalité ?

 

Note 1. - Pour sa propre conception du monde, on appartient à un groupement déterminé, et précisément à celui qui réunit les éléments sociaux partageant une même façon de penser et d'agir.  On est toujours les conformistes de quelque conformisme, on est toujours homme-masse ou homme collectif.  Le problème est le suivant : de quel type historique est le conformisme, l'homme-masse dont fait partie un individu ? Quand sa conception du monde. n'est pas critique et cohérente mais fonction du moment et sans unité, l'homme appartient simultanément à une multiplicité d'hommes-masses, sa personnalité se trouve bizarrement composite : il y a en elle des éléments de l'homme des cavernes et des principes de la science la plus moderne et la plus avancée, des préjugés de toutes les phases historiques passées, misérablement particularistes et des intuitions d'une philosophie d'avenir comme en possédera le genre humain quand il aura réalisé son unité mondiale.  Critiquer sa propre conception du monde signifle donc la rendre unitaire et cohérente et

 

 

l'élever au point où est,parvenue la pensée mondiale la plus avancée.  Cela veut donc dire aussi critiquer toute la philosophie élaborée jusqu'à ce jour, dans la mesure où elle a laissé des stratifications consolidées dans la philosophie populaire.  Le commencement de l'élaboration critique est la conscience de ce qu'on est réellement, un « connais-toi toi-même » conçu comme produit du processus historique qui s'est jusqu'ici déroulé et qui a laissé en chacun de nous une infinité de traces reçues sans bénéfice d'inventaire.  C'est cet inventaire qu'il faut faire en premier lieu.

 

Note 2. - On ne peut séparer la philosophie de l'histoire de la philosophie et la culture de l'histoire de la culture.  Au sens le plus immédiat et adhérant le mieux à la réalité, on ne peut être philosophe, c'est-à-dire avoir une conception du monde critiquement cohérente, sans avoir conscience de son historicité, de la phase de développement qu'eue représente et du fait queue est en contradiction avec d'autres conceptions.  Notre conception du monde répond à des problèmes déterminés posés par la réalité, qui sont bien déterminés et « originaux > dans leur actualité.  Comment est-il possible de penser le présent et un présent bien déterminé avec une pensée élaborée pour des problèmes d'un passé souvent bien lointain et dépassé 7 Si cela arrive, c'est que nous sommes e anachroniques > dans notre propre temps, des fossiles et non des êtres vivants dans le monde moderne, ou tout au moins que nous sommes bizarrement « composites ». Et il arrive en effet que des groupes sociaux, qui par certains côtés expriment l'aspect moderne le plus développé, sont, par d'autres, en retard par leur position sociale et donc incapables d'une complète autonomie historique.

 

Note 3. - S'il est vrai que tout langage contient les éléments d'une conception du monde et d'une culture, il sera également vrai que le langage de chacun révélera la plus ou moins grande complexité de sa conception du monde.  Ceux qui ne parlent que le dialecte ou comprennent la langue nationale plus ou moins bien, participent nécessairement d'une intuition du monde plus ou moins restreinte et provinciale, fossilisée, anachronique, en face des grands courants de pensée qui dominent l'histoire mondiale.  Leurs intérêts seront restreints, plus ou moins corporatifs ou économistes, mais pas universels.  S'il n'est pas toujours possible d'apprendre plusieurs langues étrangères pour se mettre en contact avec des vies culturelles différentes, il faut au moins bien apprendre sa langue nationale.  Une grande Culture peut se traduire dans la langue d'une autre grande culture, c'est-à-dire qu'une grande langue nationale, historiquement riche et complexe, peut traduire n'importe quelle autre grande culture, être en somme une expression mondiale.  Mais un dialecte ne peut pas faire la même chose.

 

Note 4. - Créer une nouvelle culture ne signifié pas seulement faire individuellement des découvertes c originales », cela signifie aussi et surtout diffuser critiquement des vérités déjà découvertes, les c socialiser » pour ainsi dire et faire par cou"quent qu'ehes deviennent des bases d'actions vitales, éléments de coordination et d'ordre intellectuel et moral.  Qu'une masse d'hommes soit amenée.â penser d'une manière cohérente et unitaire la réalité présente, est un fait c philosophique » bien plus important et original que la découverte faite par un c génie à, philosophique d'une nouvelle vérité qui reste le patrimoine de petits groupes intellectuels.

A.Gramsci,Cahiers de prison ,1927-1937.

 

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 Préface emblématique:

Nietzsche par Munch.jpg (27565 octets)

Nietzsche,Essai d'une critique de soi-même,in Naissance de la Tragédie, 1872.

ESSAI D'UNE CRITIQUE DE SOI-MÊME – F. NIETZSCHE  Texte de 1886.    

1

Au fondement de ce livre discutable, il doit y avoir eu un problème de premier ordre et de grand attrait, et en outre une profonde interrogation personnelle ; - ce qui en témoigne, c'est l'époque où ce livre fut conçu, malgré laquelle il fut conçu, l'époque troublante de la guerre de 1870-71 . Pendant que le tonnerre des canons de Woerth remplissait l'Europe de ses échos, le chercheur subtil, ami des énigmes, auquel pour une part revient la paternité de cet ouvrage, s'était retiré dans quelque coin des Alpes, l'esprit saturé de subtilité et de mystère, donc très soucieux et insoucieux à la fois.  Il notait ses réflexions sur les Grecs, - noyau de ce livre étrange et difficile auquel est consacrée cette tardive préface (ou postface).  Quelques semaines après, il se trouvait lui-même sous les murs de Metz, sans avoir réussi encore à répondre aux questions qu'il s'était posées en face de la prétendue « sérénité » des Grecs et de l'art grec; jusqu'à ce qu’enfin, lui aussi, dans ce mois de profonde tension durant lequel on délibérait de la paix à Versailles, il se mît en paix avec lui-même et, tout en guérissant lentement d'une maladie qu'il avait rapportée du front, finît par découvrir « l'origine de la tragédie dans le génie de la musique » - L'origine dans la musique?  Musique ou tragédie?  Grecs et musique de tragédie ? Les Grecs et l'oeuvre d'art du pessimisme ? De toutes les races d'hommes, la plus accomplie, la plus belle, la plus justement enviée, la plus entrâinante vers la vie, les Grecs, - comment ? justement ceux-ci eurent besoin de la tragédie ? Plus encore - de l'art ? A quelle fin l'art grec ? …

On devine à quelle place se dressait alors le grand point d'interrogation de la valeur de l'existence'.  Le pessimisme est-il nécessairement le signe du déclin, de la décadence, de la faillite des instincts lassés et affaiblis ? comme ce fut le cas pour les Hindous ; comme il semble, selon toute apparence, que cela soit pour nous autres, hommes « modernes » et Européens ? Y a-t-il un pessimisme de la force ? Une prédilection intellectuelle pour l'âpreté, l'horreur, la cruauté, les problèmes de l'existence, due à la surabondance de santé, à un trop-plein de l'existence ? Cette plénitude excessive elle-même ne comporte-t-elle pas peut-être une souffrance ? L'oeil le plus perçant n'est-il pas possédé d'une téméraire tentation, qui recherche le terrible, comme l'ennemi, le digne adversaire contre qui elle veut éprouver sa force ? dont elle veut apprendre ce que c'est que « la peur » ?  Que signifie le mythe tragique, précisément chez les Grecs de l'époque la plus parfaite, la plus forte, la plus vaillante ? Et ce prodigieux phénomène de l'esprit dionysien ? Que signifie la tragédie, née de lui ? - Et encore, ce dont mourut la tragédie, le socratisme de la morale, la dialectique, la pondération et la sérénité de l'homme théorique, - comment ? ce même socratisme ne pourrait-il pas être justement le signe de la décadence, de l'épuisement, de la fragilisation, de l'anarchisme dissolvant des instincts ? La « sérénité hellénique » des derniers Grecs ne serait-elle qu'un crépuscule ? la volonté épicurienne contre le pessimisme, qu'une précaution de malade ? Et la science elle-même, notre science, - oui, envisagée comme symptôme de vie, que signifie au fond, toute science ? Quel est le but, pis encore quelle est l'origine de toute science ?

L'esprit scientifique n'est-il peut-être qu'une crainte et une diversion en face du pessimisme ? Un ingénieux expédient contre - la vérité ? Et, pour parler moralement, quelque chose comme la peur et l'hypocrisie ?  Pour parler immoralement : de la ruse ? Ô Socrate', Socrate, était-ce là peut-être ton secret ? Ô mystérieux ironiste, était-ce là ton - ironie ?

 

 

2.

Ce qu'il me fut alors donné de concevoir, quelquechose de terrible et de périlleux, un problème hérissé de  cornes , pas absolument un taureau sauvage, en tout cas un problème nouveau : je dirais aujourd'hui que ce fut le problème de la science elle-même - de la science considérée pour la première fois comme problématique, comme discutable.  Mais le livre où j'épanchai alors la défiance et la fougue de ma jeunesse, - un livre impossible devait naître d'une tâche aussi antijuvénile ! - construit seulement à partir d'expériences personnelles, précoces et hâtives, qui toutes se situaient à la limite du communicable, appuyé par ses fondations sur le terrain de l'art', - car le problème de la science ne peut être reconnu sur le terrain de la science ; - un livre s'adressant peut-être à des artistes possédant le complément des aptitudes spéciales pour l'analyse et la comparaison (c'est-à-dire à une espèce exceptionnelle d'artistes, qu'il faut chercher et qu'on ne voudrait même pas chercher ... ), bourré d'innovations psychologiques - et de mystérieux secrets d'artiste, avec, à l'arrière-fond, une métaphysique d'artiste; une oeuvre de jeunesse, pleine d'ardeur et de mélancolie juvéniles, indépendante, obstinément intransigeante, même si elle semble céder à une autorité ou à une déférence particulière, en un mot une oeuvre de début voire dans le mauvais sens du mot; en dépit de la tournure sénile du problème, entachée de tous les défauts de la jeunesse, avant tout, de ses longueurs excessives, de ses élans tumultueux et de ses violences : par ailleurs, en considération du succès qu'il obtint (particulièrement auprès du grand artiste auquel il s'adressait comme pour un échange, Richard Wagner), un livre confirmé, je veux dire un livre qui, en tous cas, a donné satisfaction aux « meilleurs de son temps ». Pour ces raisons, il devrait être traité avec quelque déférence et certains égards ; cependant je ne veux pas dissimuler tout à fait l'impression désagréable qu'il me produit aujourd'hui : combien, après seize années, il se présente comme un étranger - à mes yeux plus expérimentés, cent fois plus sévères, bien qu'aucunement refroidis, et qui aussi ne se détourneraient pas de cette même tâche à laquelle ce livre audacieux osa le premier se mesurer, à savoir de considérer la science sous l'optique de l'artiste et l'art sous l'optique de la vie...

 

3.

 

Encore une fois, ce livre me parait aujourd'hui un livre impossible, - je veux dire mal écrit, lourd, pénible, aux images forcenées et incohérentes, sentimental, édulcoré çà et là jusqu'à l'effémination, inégal dans le temps, dénué d'une volonté de netteté logique, très convaincu et, à cause de cela, se dispensant des preuves, se défiant même de la décence de prouver, en tant que livre d'initiés, « musique » pour ceux-là, dont la musique fut le baptême, et qui, depuis l'origine des choses, sont unis par le lien commun des connaissances artistiques rares, bannière de ralliement pour une consanguinité in artibus, - un livre hautain et enthousiaste, dirigé de prime abord plus encore contre le profanum vulgus des « intellectuels » que contre le « peuple », mais qui, comme son influence l'a prouvé et le prouve encore, s'entend assez bien à découvrir ses enthousiastes et à les entràiner dans un lacis de voies nouvelles et vers des places de danse.  En tous cas, - on dut l'avouer avec curiosité et répugnance, - ici parlait une voix étrangère, l'apôtre « d'un dieu (encore) inconnu »', qui, d'ici là, se cachait sous la barrette du savant, sous la pesanteur et la morosité dialectique de l'Allemands même sous les mauvaises manières du wagnérien ; il y avait là un esprit rempli d'exigences nouvelles et encore innommées, une mémoire gonflée d'interrogations, d'observations, d'obscurités, auxquelles venait s'ajouter, comme un point d'interrogation de plus, le nom de Dionysos; ici parlait, - on le remarqua avec défiance, - quelque chose comme une âme mystique, presque une âme de ménade, qui, tourmentée et capricieuse, et quasi irrésolue, si elle doit se livrer ou se dérober, balbutie en quelque sorte une langue étrangère.  Elle aurait dû chanter, cette « âme 'nouvelle », - et non parler ! Quel dommage que je n'aie pas osé exprimer en poète ce que j'avais à dire alors : peut-être bien que cela m'eût été possible ! Tout au moins aurais-je pu m'exprimer en philologue : car, pour les philologues', dans ce domaine, il reste encore aujourd'hui à peu près tout à découvrir et à mettre en lumière ! Avant tout, le problème qu'il se pose ici un problème, - et que les Grecs demeureront totalement inconnus et irreprésentables, aussi longtemps que nous n'aurons aucune réponse à cette question : « Que signifie "dionysien" ? »...

4.

 

Oui, que signifie « dionysien » ? - On trouvera dans ce livre une réponse à cette interrogation, - c'est un « initié » qui parle ici, l'adepte élu, l'apôtre de son dieu.  Peut-être serais-je aujourd'hui plus circonspect, moins éloquent pour traiter d'une question psychologique " aussi compliquée que la recherche des origines de la tragédie chez les Grecs.  Un point fondamental est la mesure de subjectivité du Grec en face de la souffrance, son degré de sensibilité, - ce degré n'a-t-il jamais varié ? Ou bien le rapport fut-il inversé, - cette question de savoir si son désir, toujours plus fort de beauté, de fêtes, de réjouissances, de cultes nouveaux, n'est pas fait de détresse, de misère, de mélancolie, de douleur ? Et en supposant que ce fût vrai - et Périclès (ou Thucydide) " le donne à entendre dans la grande oraison funèbre - : d'où viendrait alors le désir contraire et chronologiquement antérieur, le désir de l'horrible, la sincère et âpre volonté que les premiers Hellènes portaient vers le pessimisme, le mythe tragique, la peinture de tout ce qu'il y a de terreur, de cruauté, de mystère, de néant, de fatalité au fond des choses de la vie, - d'où devrait alors venir la tragédie ? Peut-être de la joie, de la force, d'une santé exubérante, d'une pleine surabondance ?

Et quelle signification prend alors, physiologiquement parlant, ce délire particulier qui fut la source de l'art tragique aussi bien que celle de l'art comique, le délire dionysiaque ? Comment ? Le délire ne serait-il peut-être pas inévitablement le symptôme de la dégénérescence, de la décadence, de la civilisation suravancée ? Y a-t-il peut-être - question pour les médecins aliénistes une névrose de la santé ? de la jeunesse des peuples, de leur adolescence ? Que nous indique cette synthèse d'un dieu et d'un bouc dans le satyre " 9 Quelle expérience, quelle impulsion irrésistible amenèrent le Grec à représenter par un satyre le rêveur dionysien, l'homme primitif ? Et pour ce qui regarde l'origine du choeur, dans ces siècles où florissait la force physique du Grec, où l'âme grecque débordait de vie, y eut-il peut être des enthousiasmes endémiques, des visions et des hallucinations se communiquant à des cités entières, à des assemblées entières dans les temples ? Comment ?  Si pourtant les Grecs, précisément dans la splendeur de leur jeunesse, avaient eu la volonté du tragique et avaient été pessimistes ? Si, pour employer une parole de Platon, le délire avait été justement ce qui a apporté les plus grands bienfaits pour Hellas ? Et si, d'un autre côté et au contraire, les Grecs, à l'époque même de leur dissolution et de leur affaiblissement, étaient devenus toujours plus optimistes, plus superficiels, plus cabotins, et aussi plus passionnés pour la logique, plus ardents à concevoir la vie logiquement, c'est-à-dire à la fois plus « sereins » et plus « scientifiques » ? Comment ? en dépit de toutes les « idées modernes » et des préjugés du goût démocratique, la victoire de l'optimisme, la rationalité, dès lors prédominante, le pratique et théorique utilitarisme, aussi bien que la démocratie elle-même, dont il est contemporain, - tout cela ne pourrait-il pas

être le symptôme du déclin de la force, de l'approche de la vieillesse et de la lassitude physiologique ? Et non - le pessimisme ? Épicure " ne fut-il pas un optimiste - précisément en tant que malade ? - On le voit, c'est d'un véritable fardeau de questions graves que s'est chargé ce livre, - ajoutons-y, de toutes, la question la plus grave encore ! Que signifie, dans l'optique de la Vie, - la morale ?...

 

5.

 

Déjà, dans la préface à Richard Wagner, c'est l'art, - et non la morale, - qui est présenté comme l'activité essentiellement métaphysique  de l'homme; au cours de ce livre se reproduit à différentes reprises cette singulière proposition, que l'existence du monde ne peut se justifier qu'en tant que phénomène esthétique.  En effet, ce livre ne reconnaît, au fond de tout ce qui fut, qu'une pensée et arrière-pensée d'artiste, - un « Dieu », si l'on veut, mais, à coup sûr, un Dieu purement artiste, absolument dénué de scrupule et de morale, pour qui la création ou la destruction, le bien ou le mal sont des manifestations de son caprice indifférent et de sa toute puissance ; qui se débarrasse, en fabriquant des mondes, du tourment de sa plénitude et de sa pléthore, qui se délivre de la souffrance des contrastes accumulés en lui-même.  Le monde, la rédemption de Dieu, à tout instant acquise, en tant que vision éternellement changeante, éternellement nouvelle de celui qui porte en soi les plus grandes souffrances, les plus irréductibles conflits, les plus extrêmes contrastes et qui ne peut s'en affranchir et se libérer que dans l'apparence : toute cette métaphysique d'artiste peut être traitée d'arbitraire, d'oisive, de fantaisiste, - l'essentiel est qu'elle trahit dès l'abord un esprit qui, à tout événement, décida de se mettre en garde contre l'interprétation et la portée morales de l'existence.  Ici est proclamé, pour la première fois peut être, un pessimisme « par-delà le bien et le mal » ; ici cette « perversité du sentiment », contre laquelle Schopenhauer ne se lassa pas de lancer à l'avance ses

être le symptôme du déclin de la force, de l'approche de la vieillesse et de la lassitude physiologique ? Et non - le pessimisme ? Épicure " ne fut-il pas un optimiste - précisément en tant que malade ? - On le voit, c'est d'un véritable fardeau de questions graves que s'est chargé ce livre, - ajoutons-y, de toutes, la question la plus grave encore ! Que signifie, dans l'optique de la Vie, - la morale ?...

 

 

6.

 

On comprend à quel problème j'osai désormais m'attaquer dans ce livre ?... Combien je regrette maintenant de n'avoir pas eu le courage (ou l'immodestie) d'employer, pour des idées aussi personnelles et audacieuses, un langage personnel, - d'avoir péniblement cherché à exprimer, à l'aide de formules kantiennes et schopenhaueriennes, des opinions nouvelles et insolites qui étaient radicalement opposées à l'esprit comme au sentiment de Kant et de Schopenhauer ? Que pensait Schopenhauer de la tragédie ? « Ce qui donne au tragique un essor particulier vers le sublime - dit-il (Monde comme Volonté et comme Représentation, II, 495) ", - c'est la révélation de cette pensée, que le monde, la vie, ne peut nous satisfaire complètement, et par conséquent n'est pas digne de notre attachement : c'est en cela que consiste l'esprit tragique, - il nous amène ainsi à la résignation. » Oh ! quel autre langage me tenait Dionysos ! Oh ! comme ce « résignationisme » était alors loin de moi ! - Mais il y a dans ce livre quelque chose de pire encore, et que je regrette beaucoup plus que d'avoir obscurci et défiguré par des formules schopenhaueriennes mes visions dionysiennes : c'est de m'être, en un mot, gâté le grandiose problème grec, tel qu'il s'était révélé à moi, par l'intrusion des choses modernes ! De m'être attaché à des espérances, là où il n'y avait rien à espérer, où tout indiquait trop clairement une fin ! D'avoir, à propos de la plus récente musique allemande ", commencé à divaguer sur « l'âme allemande », comme si elle était justement sur le point de se découvrir et de se retrouver, - et cela à une époque où l'esprit allemand, qui, il y a peu de temps encore, avait possédé la volonté de dominer l'Europe, la force de diriger l'Europe, en arrivait, en guise de conclusion testamentaire,à l'abdication,Et sous le pompeux prétexte d'une fondation d'empire,évoluait vers la médiocrité, la démocratie et les « idées modernes » ! En effet, j'ai à juger sans espoir et sans ménagement cette « âme allemande », et en même temps l'actuelle musique allemande, comme étant d'outre en outre pur romantisme  la plus antihellénique de toutes les formes art imaginables : mais, par surcroît, une détraqueuse de nerfs de premier ordre, deux fois dangereuse pour un peuple qui aime la boisson et honore l'obscurité comme une vertu, à cause de sa double propriété de narcotique produisant l'ébriété et l'obnubilation.  En laissant naturellement de côté toutes les espérances prématurées et les inopportunes applications aux choses actuelles, qui gâtèrent alors mon premier livre, le grand point d'interrogation dionysien, même en ce qui concerna la musique, reste toujours où je l'avais placé : que devrait être une musique dont le principe originel serait, non pas le romantisme, à l'exemple de la musique allemande, - mais l'esprit dionysien ?...

 

7

- Mais, cher monsieur, qu'a-t-on jamais entendu

par romantisme si votre livre n'est pas romantique ?

 

Est-il possible de pousser plus loin la haine du « temps présent », de la « réalité » et des « idées modernes » que vous ne avez fait  dans votre métaphysique d’ artiste - qui préfère croire au néant et même au diable plutôt qu'au « présent » ? Au-dessous de la polyphonie contrapuntique dont vous tentez de séduire nos oreilles ne gronde-t-il pas une basse fondamentale de colère et de destruction joyeuses ? Une farouche résolution contre tout ce qui est « actuel », une volonté qui n'est certes pas très éloignée du nihilisme pratique, et qui semble dire : « Que rien ne soit vrai, plutôt que vous ayez raison, plutôt que triomphe votre vérité ! » Écoutez vous-même des deux oreilles, monsieur le pessimiste adorateur de l'art, un seul passage, choisi dans votre livre, le passage, nullement dénué d'éloquence, du « tueur de dragons », qui semble comme un piège insidieusement tendu aux jeunes oreilles et aux jeunes coeurs.  Quoi ? N'est-ce pas l'authentique et véritable profession de foi du romantisme de 1830, sous le masque du pessimisme de 1850 ? et derrière cette profession de foi n'entend-on pas préluder le finale consacré, en usage chez les romantiques, - rupture, écroulement, retour, et enfin prosternation à deux genoux devant une vieille foi, devant le Dieu ancien ?... Quoi ? votre livre de pessimiste n'est-il pas lui-même une oeuvre de romantisme et d'antihellénisme, quelque chose « qui, à la fois, énivre et obnubile », en tout cas, un narcotique, un morceau de musique, voire de musique allemande ? Mais qu’on en juge :

« Figurons-nous une génération grandissant avec cette intrépidité du regard, avec cette impulsion hérdique vers le monstrueux, l'extraordinaire ; imaginons l'allure hardie de ce tueur de dragons, la fière témérité avec laquelle ces êtres tournent le dos aux doctrines débiles de l'optimisme, pour « vivre résolument » d'une vie pleine et entière : n'y avait-il pas nécessité que l'homme tragique de cette civilisation, autodidacte en gravité et en terreur, dût désirer un art nouveau, l'art de la consolation métaphysique, la tragédie, comme une Hélène lui appartenant, et s'écrier avec Faust :« Et ne devais-je pas, avec une violence passionnée,faire naître à la vie la forme la plus divine ? " »

« N'y avait-il pas nécessité ? »

... Non, trois fois non ! Ô jeunes romantiques : il n'y avait pas nécessité ! Mais il est très vraisemblable que cela se termine ainsi, que vous finissiez ainsi, c'est à dire « consolés », comme cela est écrit, en dépit de tous vos efforts pour connaître par vous-mêmes l'énergie et la terreur, « métaphysiquement consolés », bref, ainsi que finissent les romantiques, chrétiennement... Non !  Il vous faudrait d'abord apprendre la consolation de ce côté-ci, - il vous faudrait apprendre à rire, comme mes jeunes amis, si toutefois vous vouliez absolument rester pessimistes ; peut-être bien qu'alors, sachant rire, vous jetteriez un jour au diable toutes les consolations métaphysiques ", - et pour commencer la métaphysique elle-même ! Ou, pour employer le langage de ce monstre dionysien, qui a nom Zarathoustra :

« Élevez vos coeurs, mes frères, haut, plus haut

« Et n'oubliez pas non plus vos jambes ! Élevez aussi vos jambes,'bons danseurs, et mieux que cela : vous vous tiendrez aussi sur la tête !

« Cette couronne du rieur, cette couronne de roses : c'est moi-même qui me la suis mise sur la tête, j'ai canonisé moi-même mon rire.  Je n'ai trouvé personne d'assez fort pour cela aujourd'hui.

« Zarathoustra le danseur, Zarathoustra le léger, celui qui agite ses ailes, prêt au vol, faisant signe à tous les oiseaux, prêt et agile, divinement léger : -

« Zarathoustra le divin, Zarathoustra le rieur, ni impatient, ni intolérant, quelqu'un qui aime les sauts et les écarts ; je me suis moi-même placé cette couronne sur la tête !

« Cette couronne du rieur, cette couronne de roses : à vous, mes frères, je jette cette couronne ! J'ai canonisé le rire ; hommes supérieurs, apprenez donc - à rire ! »

(Ainsi parlait Zarathoustra, IV).

Sils-Maria, Haute-Engadine.  Août 1886.

 

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Traitement du sida, gestion des déchets radioactifs, « vache folle »,
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climatique,…
A travers crises et controverses, la société civile s’inquiète,
s’exprime, s’investit. La mise en œuvre de nouvelles techniques
issues de la recherche fait apparaître des risques et
des incertitudes, suscite des espérances et des craintes,
appelle des choix dont on sent qu’ils engagent notre monde
commun, notre vie, nos relations, notre milieu, et ceux que
nous laisserons aux générations à venir. Du coup, émerge
l’exigence de nouvelles relations entre les pouvoirs de décision,
les experts et les simples citoyens. Pourquoi, aujourd'hui,
les questions scientifiques et techniques appellent-elles
de nouvelles formes de délibération ? En quoi faut-il enrichir
les procédures démocratiques pour impliquer la société civile ?

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